SIRH, le capital humain digitalisé
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Finie l’époque du papier, les
entreprises passent à l’ère digitale. Désormais, les salariés ont la
possibilité de consulter le portail RH, de poser leurs jours de congé et
d’échanger sur le réseau social interne avec des collègues des 4 coins
du globe depuis leur bureau ou à distance avec leur smartphone. Depuis
une dizaine d’années, les systèmes d’information de ressources humaines
(SIRH) se développent au sein des entreprises françaises. “La création
des SIRH est liée à la révolution numérique et à la professionnalisation
du métier des ressources humaines. Le paysage s’est transformé et les
outils mis en place sont plus faciles d’accès. Informatiser ses
ressources humaines permet d’anticiper les évolutions, de fiabiliser les
données et d’asseoir la crédibilité de la fonction RH”, note Gérard
Pietrement, fondateur du cercle SIRH.
Grâce aux outils numériques, l’ensemble des processus RH, comme la
gestion des recrutements, des formations ou encore des carrières, est
automatisé et non plus géré par fichiers papier. Corollaire, les
dossiers des collaborateurs, les contrats de travail et les divers
documents RH sont dématérialisés. “Excel ne permettait plus de gérer
correctement la vie de notre entreprise. Nous ne disposions d’aucune
traçabilité ni de visibilité de l’information en temps réel. Si un
candidat postulait 20 fois, nous ne pouvions pas le savoir. Et lors des
changements de managers, il n’y avait pas de possibilité pour transférer
les dossiers des collaborateurs, ni de reprendre l’historique des
entretiens d’évaluation”, raconte Isabelle Lerin-Basset, directrice du
développement de l’organisation et la mobilité chez Keolis, opérateur de
transports publics qui emploie 54 000 salariés et lauréat du prix du
projet numérique-SIRH décerné par l’ANDRH (Association nationale des
directeurs des RH).
Le Saas à la rescousse
D’après le baromètre RH 2014 de Bodet Software, près d’un tiers des
entreprises consultées est équipé d’un SIRH. Cependant, le taux
d’équipement est fortement corrélé à la taille de l’entreprise. Ainsi,
65 % des entreprises de plus de 250 salariés sont équipées, contre 23 %
pour les moins de 250. “Le baromètre RH montre que dans les PME, le taux
d’équipement reste faible. Elles n’ont pas les services RH d’une
multinationale, ni ses moyens financiers. Les logiciels RH ne sont pas
assez simples pour un usage quotidien et les coûts sont prohibitifs.
Au-delà de l’achat de la licence du programme, il faut ajouter les coûts
de paramétrage et de maintenance. Sans oublier que le temps passé sur
le logiciel doit être le plus court possible. Nous proposons donc des
progiciels prenant en compte ces contraintes pour optimiser le retour
sur investissement”, analyse Vincent Noyet, responsable marketing de
Bodet Software. Depuis 10 ans, Bodet Software propose la suite du
logiciel Kelio dotée de différentes fonctionnalités (gestion des temps,
planification, emploi et compétences, évaluation, formation et des notes
de frais) adaptées aux besoins des entreprises.
“65 % des entreprises de plus de 250 salariés sont équipées, contre 23 % pour les moins de 250”
Outre l’achat de la licence d’utilisation du logiciel, un autre
modèle d’acquisition est plébiscité : le SaaS (Software as a Service,
soit logiciel en tant que service). Dans le cadre de ce marché locatif,
les solutions couvrant les fonctions SIRH sont hébergées chez l’éditeur
et accessibles via Internet. Les données, elles, sont stockées sur le
cloud. L’entreprise, qui paie un abonnement pour utiliser ce service en
ligne, externalise ainsi la maintenance informatique du logiciel. Selon
l’étude 2014 de Markess sur les pratiques de la fonction RH, 56 % des
décideurs interrogés indiquent que leur organisation a recours au mode
SaaS/cloud pour la gestion de leurs processus RH.
“Le SaaS se développe car les entreprises se recentrent sur leur cœur
de métier en externalisant les fonctions supports, répondant ainsi aux
exigences des directions financières qui ne peuvent plus dégager de
budget d’investissement pour ces dernières. Elles sont désormais dans
une démarche de consommation où elles paient à l’usage, commente
Véronique Montamat, directeur Marketing et Communication de l’offre RH
de Sopra. Des applications standards sont proposées à différents
clients, mais personnalisables selon leurs spécificités.” Ce
prestataire, qui gère près de 12 millions d’utilisateurs, propose deux
solutions Pléiades et HR Access qui couvrent l’ensemble des processus RH
des entreprises.
Le choc de la simplification
Soumises aux évolutions fréquentes du Code du travail, les
entreprises doivent se doter d’un SIRH performant, c’est-à-dire à jour
des obligations légales et réglementaires – réforme sur les temps de
travail, la pénibilité ou la déclaration sociale nominative (DSN). Cegid
a lancé un dispositif pour accompagner les entreprises dans
l’application de la DSN, qui vise à simplifier les déclarations
administratives adressées par les employeurs aux organismes de
protection sociale et à fluidifier l’échange de données à l’horizon
2016. “La DSN nécessite une refonte de toutes les méthodes liées à la
paie et l’enregistrement de toutes les données sur les salariés de
l’entreprise, explique Pascale Boyaval, directrice marketing activité RH
chez Cegid, qui propose l’offre complète Yourcegid Ressources humaines
utilisée par 18 000 entreprises. Nos solutions facilitent le calcul des
déclarations à verser aux organismes de protection sociale et éditent
chaque mois les bulletins de paie.”
Moins accaparés par les tâches administratives chronophages, les
services RH peuvent se concentrer sur des fonctions plus stratégiques,
comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. “Les
entreprises doivent détecter les talents de demain et accompagner
l’évolution des métiers. Grâce à nos outils d’aide à la décision, elles
peuvent anticiper ces changements et mettre en place des plans de
formation”, assure de son côté Alexandre Pachulski, directeur général
produits de Talentsoft.
Gestion des talents, nouveau cœur du métier
Poussés par des exigences de performance, les SIRH se dotent
progressivement d’outils couvrant l’ensemble des missions liées au
pilotage du capital humain. “Il y a 10 ans, la gestion administrative de
la paie et des temps de travail était la base du métier de DRH.
Aujourd’hui, ils sont responsables de l’engagement des salariés, et les
fonctions comme le recrutement, l’intégration des collaborateurs et le
développement des compétences, sont au cœur de leur activité. Toutes les
entreprises luttent pour attirer les meilleurs talents et les fidéliser
en leur offrant un parcours professionnel au sein de l’entreprise”,
explique Vincent Belliveau, directeur général Emea de Cornerstone on
Demand. Forte de ce constat, cette société s’est spécialisée dans la
gestion intégrée de la formation et des talents. Grâce à sa plate-forme
reliée aux réseaux sociaux professionnels, les candidats postulent
directement depuis leurs pages Linkedin ou Viadeo, et les collaborateurs
recommandent les profils pertinents pour un poste donné.
Pour accélérer les procédures, les entretiens peuvent se mener par
vidéoconférence. D’autre part, les salariés peuvent accéder, par une
recherche prédictive sur le portail RH, à un catalogue de formations
correspondant à leur fiche métier, et participer aux communautés
d’apprenants en ligne.
Lagardère Unlimited, filiale dédiée au sport et à l’événementiel du
groupe de médias, a choisi la solution Cornerstone pour renforcer la
cohérence de sa stratégie ressources humaines au-delà des frontières.
Présente en Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud et Asie, la
société devait composer avec 16 systèmes de paie et des méthodologies
différentes pour accompagner ses 1 300 employés. “Avec une mobilité très
importante en interne, nous avons réalisé un mapping des compétences
présentes dans nos différentes filiales. Notre portail Bond nous permet
de partager les données RH sur le CV, les préférences de mobilité, les
langues parlées, les évaluations de compétences à travers le monde.
Selon la culture du pays, l’interface sera toutefois visualisée
différemment”, détaille Roberta Martire, HR Development Manager de
Lagardère Unlimited.
Harmoniser une politique ressources humaines à l’échelle
internationale, c’est également ce que propose SAP. “Nos solutions
permettent de gérer la mobilité des salariés sur l’ensemble des
continents. Les logiciels doivent s’adapter aux spécificités du Code du
travail et aux réglementations de chaque pays, notamment pour la
collecte des informations personnelles, comme la religion et la
sécurisation des données”, précise Albert Ifrah, directeur des ventes
pour l’Europe des logiciels SAP. Cet éditeur de logiciels SIRH compte
15 000 clients répartis dans 100 pays.
Plateformes collaboratives et salariés acteurs
Après une première génération de sites intranets centrés sur la
communication RH, les outils sont aujourd’hui davantage collaboratifs,
conviviaux et mobiles. Le portail RH offert par la solution SAP se
présente comme une page Facebook sur laquelle apparaît le profil du
salarié, accompagné d’un réseau social intégré et de différentes
applications personnalisables en fonction du rôle de chacun dans
l’entreprise. Les managers peuvent visualiser le planning de leurs
équipes et les dossiers des collaborateurs, ou encore valider
directement leurs demandes. De leur côté, les salariés ont l’opportunité
de poser leurs jours de congé et d’absence, de consulter le catalogue
des formations et l’annuaire de l’entreprise, de vérifier la variable de
ses salaires et la revue de ses performances.
“Depuis les années 2000, les SIRH sont utilisés
par les collaborateurs et les managers, et ne sont plus cantonnées aux
professionnels des ressources humaines”
L’usage du numérique en interne offre ainsi un rôle plus important
aux employés dans la vie de leur société, avec des gains de productivité
à la clé. Face à des services RH débordés, certaines missions sont
déléguées et les différentes requêtes plus rapidement traitées. “Depuis
les années 2000, les SIRH sont utilisés par les collaborateurs et les
managers, et ne sont plus cantonnées aux professionnels des ressources
humaines. Ils sont ouverts à tous avec la création des réseaux sociaux
d’entreprise. Avant, l’usage se faisait exclusivement sur ordinateur,
maintenant les employés peuvent y accéder depuis leur tablette ou leur
smartphone”, se félicite le Cercle SIRH.
Attention cependant à ne pas franchir la frontière poreuse entre vie
professionnelle et vie privée. Certaines informations personnelles –
telles que la religion, la nationalité ou l’orientation sexuelle – ne
doivent bien évidemment pas figurer dans les SIRH. De plus, informer les
représentants du personnel et la Commission nationale de l’informatique
et des libertés (CNIL) est obligatoire. “Les entreprises doivent
veiller à ne pas mettre l’ensemble des informations sociales et
personnelles de leurs salariés sur le Web, prévient Jean-François Beuze,
expert en sécurité informatique et président de la société Sifaris. Il
faut bien vérifier le lieu de stockage des données et les normes de
qualité du prestataire.” Collaborer avec les équipes informatiques est
essentiel à la bonne marche du projet.
par Adeline Farge - Le Nouvel économiste.fr - décembre 2014
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