Choc de simplification : comment rendre moins complexe le management des entreprises ?
Sur le plan de la complexité, les entreprises n'ont rien à envier à l'Etat. Les modes de management dominants, motivés par la volonté de contrôler toujours plus étroitement les salariés, ont abouti à un maquis de procédures dont elles doivent se libérer.
Les entreprises ont développé des système de plus en plus coercitifs afin de contrôler leurs salariés
Ce faisant, il n'est pas exagéré de dire qu'elles « tournent autour du pot » et
qu'elles seraient bien avisées de s'inspirer de la démarche des
pouvoirs publics pour faire la chasse, en leur sein, à toutes les
complexités inutiles qui leur génèrent autant de coûts incontrôlés - et
jamais évalués - qu'aux organisations publiques.
Aucune surprise : les modes de gestion dominants dans le secteur
marchand reprennent, sous couvert d'un vocabulaire moderniste, les
traits les plus classiques du taylorisme dont l'administration publique
est l'exemple le plus achevé. Obsédées par la nécessité de
contrôler dans les moindres détails ce que font des salariés qui leur
échappent chaque jour davantage, les entreprises - les plus grandes en
particulier - ont développé des systèmes de plus en plus coercitifs.
Une complexité artificielle qui fait perdre à l'action efficacité et rapidité
Ceux-ci s'appuient sur des batteries toujours plus complexes de « processus », de « systèmes de reporting »
et d' « indicateurs de performance », sur des procédures de validation
sans fin, et sur des comités si nombreux que plus personne n'en a une
connaissance exhaustive. Bref, c'est un inventaire à la Prévert
qu'il faudrait pour décrire ce maquis obscur et incompréhensible pour
les salariés et parfois pour les dirigeants eux-mêmes.
Non seulement cette « complexité artificielle » fait perdre à l'action
son efficacité et sa rapidité, produit de la « non-décision » et
pénalise le client qui attend toujours plus de souplesse et de
simplicité ; mais elle conduit aussi les salariés à la passivité et au désengagement, au moment où les entreprises en attendent un investissement de tous les instants et une motivation sans faille.
L'inquiétude se fait jour face à ces comportements de retrait. Mais
peu nombreux sont encore ceux qui font le lien entre le phénomène
qu'ils constatent et la « complexité coercitive » qui le produit.
On préfère en donner une interprétation psychologique, liée au salarié
lui-même ou à l'impact que l'environnement sociétal a sur lui, toutes
choses qui ne dépendent pas de l'entreprise elle-même.
Simplifier exige un long et fastidieux travail
C'est que le retour à la simplicité est encore plus compliqué pour les entreprises qu'il ne l'est pour l'administration. Dans
les premières, les « managers » ne bénéficient pas des protections
traditionnelles qu'offre la seconde. Toujours soumis à plus de
pressions, ils se les constituent par les pratiques évoquées plus haut,
chacun se couvrant par l'émission d'une règle, la création d'un
processus, la multiplication des « reporting » qui produisent un double
effet : d'une part, ils centrent l'action sur le « comment » beaucoup
plus que sur le résultat obtenu, ce qui de facto diminue la pression ;
d'autre part, la multiplication de ces outils les rendant mécaniquement
contradictoires les uns par rapport aux autres, elle permet de justifier
par l'existence de l'un la non-observance de l'autre. En d'autres
termes, si parfois la complexité agace et énerve, elle se révèle
protectrice dans la vie quotidienne.
A cela, il faut ajouter que le fonctionnement en silos, qui caractérise
encore la plupart des entreprises, rend difficile d'avoir une vue
d'ensemble de cette complexité. Chacun pense que ce qui est émis l'est par les autres, par les fonctions support, sous la pression de l'actionnaire, bref, par tout ce qui n'est pas soi-même. Tout le monde en profite mais personne ne s'en sent comptable.
Ainsi s'explique le découragement de dirigeants qui, loin d'être
aveugles, constatent à la fois que « l'on va dans le mur » mais
« qu'ils n'y peuvent rien ». Il est vrai que simplifier
exigerait un long et fastidieux travail de mise à plat de toutes les
règles et procédures régissant la vie quotidienne de l'entreprise,
l'évaluation de leur utilité mais aussi de leurs effets induits, telles
les possibilités de « jeu » et les protections que se constituent à
travers elles les salariés comme les cadres. Obtenir leur concours
n'irait donc pas de soi : décidément, réduire la complexité est une
tâche complexe.
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