BIG DATA : la vague des « big data » déferle sur les entreprises françaises. Ses spécialistes sont encore rares, mais se voient proposer des conditions d'embauche exceptionnelles.
Que
dit-on de vous ? Et de vos concurrents ? La toute jeune société que
développe Amirhossein Malekzadeh au sein de l'incubateur de Télécom
Paris Tech capte bruits, buzz et signaux faibles partout sur Internet :
forums, réseaux sociaux, blogs, médias en ligne, sites… « Nous
aidons les directions marketing et communication à extraire
l'information stratégique, afin qu'elles puissent s'en servir et
réagir », précise le jeune chef d'entreprise.
Focusmatic,
la société d'Amirhossein Malekzadeh, est une plate-forme d'analyse en
temps réel des « big data », ces données produites en quantité
phénoménale par Internet : textes, images, sons, vidéos… Celles-ci, qui
permettent notamment de modéliser le comportement des clients au plus
près de la réalité, représentent une source d'informations
exceptionnelle pour tous les secteurs : banque, assurance, transports,
santé, sécurité, conseil, télécommunications, distribution… Selon
Gartner, société américaine de conseil et de recherche sur les
technologies, les « big data » devraient créer 4,4 millions d'emplois
dans le monde d'ici à 2015. Cette mine mondiale et les rumeurs les plus folles sur les salaires des rares experts valent à l'industrie des « big data » le surnom de « nouveau pétrole ».
Statisticien et informaticien de haut vol
Aux
Etats-Unis comme en France, le besoin de spécialistes des « big data »
n'a pas été anticipé. Les observateurs du secteur des technologies de
l'information et de la communication tirent la sonnette d'alarme. Les
entreprises, au pied du mur, ne trouvent pas les profils qu'elles
cherchent. Jacques Froissant, fondateur et CEO d'Altaïde, spécialiste du
recrutement 2.0, recense chaque mois, en ce début d'année, de 90 à
160 offres d'emploi en lien avec les « big data », pour la seule région
parisienne. Stéphan Clémençon, maître de conférences à Télécom Paris
Tech, spécialiste de l'application des statistiques, est assailli de
demandes de stage, émanant de grands groupes et de PME innovantes. « Nous
formons quelques dizaines d'étudiants qui ont le profil recherché, il
en faudrait cent fois plus ! La France a une carte à jouer sur la scène
mondiale des "big data", car elle a toujours formé de bons
mathématiciens. »
Le métier charnière des « big data » reste encore à créer : celui de « data scientist ». « Les données arrivent d'Internet décentralisées, déstructurées, explique Stéphan Clémençon. Le
"data scientist" doit traiter cette information, représenter les
données et les rendre automatisables, afin d'aider la prise de
décision. » Chez Télécom Paris Tech, on estime à 20.000 le nombre
de ces professionnels qui seront recherchés à court terme. Le « data
scientist » réunit la compétence d'architecte de bases de données et
celle d'un statisticien. Cette double compétence n'existant pas encore
sur le marché français, l'industrie des « big data » fait intervenir des
mathématiciens pour le traitement algorithmique des données, ainsi que
des statisticiens et des programmeurs. « Les formations universitaires actuelles préparent soit aux statistiques, soit à l'informatique, explique Stéphan Clémençon. Aucune ne réunit vraiment les deux volets. Quant aux aspects de business stratégique, ils ne sont jamais abordés. »
La grande école d'ingénieurs ouvre à la rentrée prochaine la seule
formation en Europe préparant au métier de « data scientist », doté de
compétences techniques et stratégiques.
Le mouton à cinq pattes ?
Les
« big data » impactent déjà le management, l'organisation et la
communication de l'entreprise. Une autre fonction se fait peu à peu
indispensable : le « chief data officer », lien entre la direction de
l'informatique et celle du marketing. « Les entreprises tentent de
traiter les données de manière transversale et de structurer cette
information de façon à en faire bénéficier tous les départements :
marketing, ventes, direction administrative et financière, logistique,
service clients », explique Olivier Lallement, manager chez
Deloitte. Capable de comprendre la partie technique et les compétences
métiers de son entreprise, ce « data analyst » doit être en plus un
excellent communicant. Le mouton à cinq pattes ? Quoi qu'il en soit, « la demande des entreprises va devenir de plus en plus forte »,
prévient Serge Boulet, directeur marketing et communication de SAS,
leader mondial du décisionnel et de la « business analytics ». « Afin
que les étudiants apprennent à utiliser les outils des systèmes
décisionnels, SAS a développé un programme académique en partenariat
avec 150 universités et grandes écoles de commerce et d'ingénieurs. »
Chez Altaïde, Jacques Froissant estime
qu'un ingénieur capable de modéliser les « big data » gagne de 30 à 40 %
de plus qu'un autre. Chez Deloitte, on évalue le salaire d'embauche
d'un ingénieur avec une dominante forte en analyse statistique et
intelligence artificielle de 50.000 à 60.000 euros, là où le salaire
moyen des jeunes ingénieurs est compris dans une fourchette de 35.000 à
45.000 euros. « Mais il y a un décalage entre les salaires proposés
par le secteur de la finance de marché, qui s'arrache toujours les
ingénieurs statisticiens, et les départements marketing des entreprises,
fortement demandeurs mais ne pouvant pas s'aligner », nuance Olivier Lallement.
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