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Comment former les managers à la complexité du monde ?


La formation des managers sera-t-elle la grande oubliée de la réforme de la formation professionnelle ? 

Le sujet est peut-être trop pointu en comparaison des enjeux fixés par la seconde conférence sociale: la lutte contre le chômage et une remise en ordre financière qui n'a que trop tardé. Ce chantier recouvre pourtant deux défis cruciaux de la révolution à opérer dans la délivrance des savoirs : la compréhension par les managers (et leurs collaborateurs) d'un environnement d'une complexité croissante et la nécessaire prise en compte de cet état de fait dans les  comportements au travail. 
Déjà en juin 2010, l'Institut de l'entreprise et la Fondation nationale pour l'enseignement de la gestion des entreprises (Fnege) appelaient les écoles de gestion à développer la culture générale, l'interdisciplinarité, l'esprit critique et l'éthique. 
Mais l'entreprise ne peut attendre que ces diplômés mieux préparés frappent à sa porte. Elle doit imaginer des dispositifs pérennes pour aider ses managers à se remettre en cause face au changement permanent et à adapter l'exercice de leur autorité à un niveau de contraintes sans précédent. Ce nouveau pilier de la formation n'aura pas grand-chose à voir avec les deux piliers traditionnels : la formation en vue d'acquérir une compétence technique spécifique (qui absorbe la quasi-totalité des milliards de la formation professionnelle) ; et le coaching individuel, qui aide le manager à mieux occuper son poste. 

Les sujets à traiter sont d'une toute autre nature. Ils se classent en trois familles. 

> Premièrement, les chocs qui frappent l'entreprise et l'obligent à des virages stratégiques que les managers sont en première ligne pour négocier. Chocs traumatiques : crises économique, financière, géopolitique, démographique, énergétique ; bataille concurrentielle ; menaces environnementales. Ou chocs de progrès : par exemple, les innovations technologiques ou les nouvelles pratiques coopératives. 

> Deuxièmement, les sujets de société, qui s'invitent dans l'entreprise et donnent lieu à des politiques que l'encadrement doit mettre en œuvre : la diversité, le handicap, l'égalité des genres, la responsabilité sociale d'entreprise… 

> Troisièmement, enfin, les bouleversements sociologiques : relations intergénérationnelles, rapport à l'autorité, exigence de sens au travail, réseaux sociaux. 

Aujourd'hui, ces différents thèmes sont des facteurs de fragilisation des managers et, par conséquent, de pertes en ligne dans les organisations. Inverser la tendance en renforçant leur maîtrise de ces sujets est une urgence. 
La création et la transmission de ces savoirs sont différentes de ceux de la formation traditionnelle. Tout (ou presque) reste à inventer, en dépit des expériences innovantes de certaines universités d'entreprises. Le débat - collectif et scénarisé, mais sans ostentation - primera sur l'enseignement académique, avec le soutien des réseaux sociaux internes, des Web radios ou TV. Plus encore que les connaissances délivrées, ce sont le partage décloisonné et la discussion entre les individus autour de ces enjeux et de leurs conséquences pour l'entreprise qui sont de nature à enclencher une mobilisation positive. L'intervention d'experts extérieurs reconnus représentera un argument de séduction - et de crédibilité. Enfin, l'engagement dans la durée est indispensable pour embarquer les inévitables grincheux et convaincre les comptables de la rentabilité d'un tel investissement. 
En réalité, derrière ce troisième pilier de la formation se cache un super-bonus non salarial : une communauté managériale plus soudée, une meilleure agilité dans l'action et donc une efficacité renforcée. La reconnaissance de cette communauté et de son rôle stratégique n'est pas une idée neuve. C'est la façon de l'animer qui doit le devenir. 

auteurs: Nathalie Dupuis-Hepner et Gilles Le Gendre ( Les Echos - 28 octobre 2013)

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